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L'été de Galapiat Cirque
Juin 2025.
Nous t’écrivons depuis les ruines.
Pas celles qu’on montre aux journaux du soir, non. Celles qu’on porte dans nos ventres, nos gestes, nos colères. On vit un moment où les puissants se contentent de gérer la chute, de la rentabiliser même. Où on nous intime de nous taire, de consommer, de regarder ailleurs. Où l’on fabrique l’oubli à la chaîne.
Mais nous, on fait du cirque.
Pas un cirque pour distraire, pas un cirque propre, pas un cirque neutre. On essaye un cirque bruyant, traversé, un cirque qui doute, qui frappe, qui aime. Un cirque qui dit non.
Cet été, on enfourche nos vélos pour jouer Les maîtres du désordre. C’est pas un spectacle, c’est une procession joyeuse contre la logique comptable du monde. On y roule à la force des jambes, on joue à la force des tripes. On fait du bruit dans les villages, on dort là où on nous invite, on propose des croque-pas-si-monsieur, des cannettes et des sirops à l'eau, on parle avec les gens. Chaque acte est un pied de nez au désespoir.
À Chalon-sur-Saône, au cœur de la rue, on lâche Préviens les autres. Parce qu’il faut encore prévenir. Dire que tout n’est pas normal. Que ce qu’ils appellent ordre est souvent fait de violence, de surveillance, de soumission. Alors on explose en sueur dans une yourte moite. On tombe, on se relève, on crie, on chante. Le spectacle est un pavé. Une prise de parole là où on voudrait du silence.
Et cet été souffle aussi la nouvelle version de La Brise de la Pastille. Un clown, seul au milieu du tumulte, qui doute, qui chute, qui rit quand même. Un clown existentiel, pas résigné. Un être bancal qui regarde le monde de travers et nous tend un miroir déformant. Cette nouvelle Brise, c’est un souffle affûté, retravaillé, une poésie de l’absurde pour tenir debout. Parce que parfois, c’est le nez rouge qui résiste le mieux à l’effondrement.
Et pendant ce temps, dans un coin de la Manche, à la Brèche de Cherbourg, on invente ce qui vient après : il va pleuvoir. Pas une pluie qui lave. Une pluie qui rappelle. Qui convoque les mort·es et les vivant·es, qui convoque la famille choisie. On y cherche comment tenir debout quand tout s’effondre. On y plante des graines de rage douce et d’amour dur. C’est un laboratoire de futur. Pas celui qu’on nous vend, mais celui qu’on ose imaginer.
Toi qui lis ceci plus tard, sache-le : on n’a jamais cru que le spectacle changeait le monde. Mais on sait qu’il peut réveiller celles et ceux qui le peuvent. Et c’est déjà beaucoup.
On ne cherche pas le confort. On veut le feu. Le partage. L’utopie vécue en acte. On veut du collectif, du conflit fertile, des nuits blanches autour de braseros où ça débat, ça pleure, ça danse, ça doute, ça crée.
On veut être ensemble autrement, pas demain, pas quand ce sera “le bon moment”, mais maintenant.
Et tu sais quoi ?
Parfois ça marche.
Parfois, dans un champ, un·e enfant rit. Un vieux ou une vieille pleure. Deux inconnu·es se prennent dans les bras.
Parfois, on sent que quelque chose se tisse.
Quelque chose qui résiste au cynisme, à la fatigue, au repli.
Alors oui, il va pleuvoir.
Mais il y aura des mains pour ouvrir les parapluies.
Et d’autres pour danser dessous.
L’espoir, ce n’est pas attendre.
C’est faire.
Et nous, on fait du cirque.
Bel été, des bisous.