Lettre depuis les brumes — automne / hiver 2025
On a rangé les vélos.
Les pneus encore couverts de poussière d’été, les muscles encore chauds du vent, les cœurs pas tout à fait redescendus.
L’automne s’est installé, les jours raccourcissent, et avec eux vient le besoin de creuser plus profond.
Le feu se déplace vers l’intérieur.
Mais non, on ne s’endort pas.
On rentre dans la saison froide comme on entre en résistance : en gardant la flamme vivante.
Car pendant qu’on nous parle d’hiver énergétique, d’austérité joyeuse et de paix sociale sous contrôle, nous, on allume des chapiteaux.
On dresse des toiles comme on dresse des idées. Des espaces où l’on respire autrement, où l’on parle sans micro, où l’on rit au bord des larmes.
Et cet automne Galapiat Cirque reçoit carte blanche à Bègles.
Ce n’est pas qu’une invitation. C’est un territoire à rêver, une faille dans l’ordre établi, une zone libre temporaire. Trois gestes pour habiter cette faille — trois manières de dire : nous sommes encore là, debout, ensemble.
Premier geste : dire adieu sans se taire.
Nous célébrons la fin de L’âne & la carotte.
Pas comme on éteint une lumière, mais comme on accompagne un·e ami·e au bout du chemin.
On rit, on pleure, on fait du bruit.
Ce spectacle s’achève, oui, mais il laisse derrière lui une manière d’être au monde : fragile, indocile, tendre et rugueuse.
Clore, chez nous, ce n’est jamais renoncer — c’est ouvrir la suite.
Deuxième geste : indiscipline, sueur et cabaret.
Les maîtres du désordre, encore et toujours, viendront perturber l’équilibre, célébrer l’instinct, rappeler que le chaos peut être fertile.
Courbatures, avec ses sueurs, ses tremblements et ses élans obstinés, sera là aussi, parce que le corps qui persiste est un manifeste en soi.
Puis on fabrique un cabaret. Pas un cabaret poli ni nostalgique — un cabaret brut, bancal, anarchique et chaleureux.
Troisième geste : ouvrir le chantier de ce qui n’existe pas encore.
Une nouvelle création qui n'a pas encore de forme, même pas encore de nom. On y mélange les disciplines, on se confronte, on rate, on recommence. Parce qu’avant toute révolution, il y a toujours un laboratoire secret où quelques-un·es décident d’essayer autrement.
Alors oui, il fait plus froid.
Oui, les temps se durcissent.
Mais le cirque, lui, n’a jamais eu peur du déséquilibre.
On sait sur-vivre suspendu·es, la tête en bas, tant qu’on se tient ensemble.
C’est notre manière à nous de dire qu’un autre monde reste possible, même au milieu de celui-ci.
Alors, que l’hiver vienne.
Sous nos chapiteaux, il fera chaud.
Pas de chaleur électrique, non : chaleur humaine, chaleur d’idées, chaleur de luttes.
Et tant qu’on pourra souffler dans les mains pour se réchauffer, tant qu’il restera un peu de lumière dans nos yeux,
on continuera.
À jouer.
À douter.
À résister.
À faire circuler la joie comme une braise.
Parce qu’il n’y a pas de saison morte quand on choisit de vivre en feu.
A bientôt ?
— Galapiat Cirque
